A l’occasion de la vente publique consacrée aux jeux vidéo et à leur Histoire, organisée par Millon & Associés, j’ai posé quelques questions à Camille Coste (que nous connaissons aussi sous le pseudo de Minouche)

Camille Coste est l’expert qui a été chargé par la Maison Millon et Associés, de réunir 350 lots retraçant l’Histoire des jeux vidéo en  vue de les proposer à la vente lors de l’inauguration d’un nouveau département consacré aux Arts et objets des Cultures Populaires.

Parmi ces 350 lots, Camille a déniché un bon nombre de pièces exceptionnelles, auprès de collectionneurs, mais aussi auprès d’acteurs du monde des jeux vidéo.

Je lui ai posé quelques questions concernant la vente aux enchères de jeux vidéo qu’il organise le 13 juin.

Une petite présentation personnelle ?

Écoute oui : Camille Coste, 28 ans toutes mes dents. Avant de me lancer dans cette aventure, j’ai bossé 5 ans dans le jeu vidéo. Je suis passé par Square-Enix (Londres), puis par des petites boites parisiennes. J’ai été game-designer et musicien sur des jeux pour mobiles avant l’arrivée des smartphones, de la folie Iphone etc. Du coup on avait pas mal de contraintes liées à l’espace, à la taille des images, au son… C’était de bonnes expériences.

Peu après j’ai monté une société de post-production avec des amis. Ça a bien fonctionné  et on a bossé pour des grands comptes comme Nespresso, Gameloft ou encore Adopte un mec. Nous étions spécialisés en graphisme et 3D.

J’ai quitté cette aventure pour être vraiment dans ma passion (la collection) et proposer de nouvelles choses aux collectionneurs.

J’ai ainsi monté une société familiale qui porte le nom “imaginem”. Cette société a pour vocation de faire parler des Arts et des objets des cultures populaires que nous connaissons tous.

Diverses choses très intéressantes sont prévues, dont des expositions, des livres et autres.

La vente aux enchères, est l’un de ces projets.

Depuis quand es-tu collectionneur et quelles sont tes collections ?

Je collectionne beaucoup de choses depuis tout gamin. La passion pour la collection m’a été transmise par mon père. Je suis passé par les jouets, les cellulos, la BD, également les guitares entre autres.

Niveau jeux vidéo, je les collectionne depuis maintenant un peu moins de 13 ans. J’ai commencé en Septembre/Octobre 2000. Depuis l’époque, j’ai une liste de recherche d’environ 2000 titres sur quasiment tous les supports. J’ai cherché avant tout à récupérer les classiques de chaque époque, puis les titres rares pour la collection.

J’ai aussi appris de beaucoup de monde bien entendu, et grâce à ça j’ai découvert beaucoup de titres que je ne connaissais pas, que j’ai été content de découvrir pour ma culture vidéo-ludique et pour leur contenu. J’en apprends encore, fort heureusement, comme tout le monde ; le jeu vidéo c’est tellement vaste !

Aujourd’hui, mes collections sont essentiellement basées sur le jeu vidéo et les celluloïds d’animation (pièces originales issues des dessins animés). Ma collection de jeux vidéo me convient désormais, et je me suis donc depuis un peu plus d’un an lancé sur un Full set GameBoy parce que j’adore cette console, et que c’est un sacré défi de réunir tous ses titres.

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Collection de Minouche

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Collection de Minouche

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Collection de Minouche

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Comment t’est venue l’idée d’organiser une vente aux enchères de jeux vidéo ?

Je suis les ventes aux enchères au niveau BD depuis 2008 sur Paris et en Belgique, et j’ai trouvé tout de suite que c’était un marché annexe très intéressant, différent du web et des boutiques. Un marché qui a su depuis des centaines d’années mettre en valeur certaines choses.

Étant moi-même collectionneur, j’ai voulu essayer de trouver de belles choses auprès de vendeurs, afin de les proposer à la vente. Le but était de réunir au moins 300 lots de toutes les époques pour les présenter en tant que pièces de collection, mais également pour essayer de proposer aux collectionneurs un autre moyen de distribution. J’ai donc convaincu certains collectionneurs de me confier de belles choses pour la vente.  David Winter est l’un de ces collectionneurs.

La vente est également destinée aux nostalgiques, qui peuvent retrouver dans le catalogue des pièces de leur enfance et se faire plaisir.

Quelles évolutions penses-tu que cette vente peut apporter à l’avenir de ce marché ?

Faire découvrir des choses inconnues aux gens, “dorer” le blason du jeu vidéo dans le marché de la collection et plus généralement de l’Art ; asseoir le marché un minimum aussi, je l’espère.

Je pense enfin, qu’un événement comme celui-ci, qui sera probablement suivi par de nombreux curieux et amateurs, fera entrer le jeu vidéo dans une dimension encore compliquée à atteindre pour lui. En effet, une prise de conscience doit se faire pour protéger ce patrimoine qui tend à disparaître, à se dégrader ou à être oublié.

Finalement dans l’art, qui de mieux que les musées ou les collectionneurs ont de toute époque au mieux, conserver les pièces ?

Il faut bien comprendre que l’on tend vers un monde où la dématérialisation et le minimalisme fera disparaitre les supports physiques, où les avancées technologiques font finalement vite oublier les chef d’œuvres du passé, et que de ce fait, nous avons besoin d’historiens, d’écrivains, de professeurs d’histoire du jeu vidéo, mais également de passionnés et de conservateurs de pièces, qui tous ensemble feront perdurer le patrimoine de ce milieu.

J’espère simplement que cette vente, et plus généralement ce type d’événement ira dans ce sens, car c’est un milieu en définitif assez méconnu du grand public (en-dehors de quelques mascottes déjà éternelles), et ce malgré déjà plus de 40 ans de carrière. Il s’en est passé des choses en 40 ans… Cette première vente aux enchères propose un historique et un aperçu de belles choses qui ont marqué les époques de plusieurs générations.

Comment t’y es-tu pris pour réunir autant de lots ?

Ça n’a pas été évident. J’ai eu environ 2 mois et demi pour réunir quelques 350 lots. La première étape est certainement de connaitre suffisamment de monde pour entrevoir des pièces susceptibles de correspondre à ce type d’événement.

Ensuite, comme c’est une première, il faut expliquer comment les choses fonctionnent, quels sont les coûts, les garanties etc… Parce que tant qu’un événement de ce genre n’est pas suffisamment connu, il est malencontreusement craint par manque d’informations. Typiquement, 80% des gens à qui je me suis adressé ne pensaient pas qu’une vente de ce genre était publique et que tout le monde pouvait y participer, ou bien plus spécifiquement, comment il fallait procéder. Il m’a donc fallu expliquer aux personnes comment la vente fonctionnerait, et les encourager à mettre de belles pièces en vente. L’autre contrainte est qu’il fallait convaincre des collectionneurs qui n’étaient pas vendeurs, et ça n’a pas été chose évidente. Mais j’ai rencontré des personnes adorables, des gens qui ont su écouter et qui finalement ont cru dans le projet.

Une autre difficulté a été de respecter la thématique “historique” de la vente, il a fallu récolter des pièces de toutes les époques, depuis 1972 jusqu’à nos années 2000. Il me fallait donc plusieurs types de collectionneurs et donneurs de pièces potentiels, d’âge et de goûts différents, puis les convaincre, un à un.

J’arrive à un total pour la vente de 350 lots, tout rond.

A qui s’adresse cette vente ?

Aux curieux, aux amateurs, aux nostalgiques, aux “petits” et “gros” collectionneurs ainsi qu’aux musées.

La vente propose un panel de pièces suffisamment large pour intéresser des gens de divers horizons. C’est le but : proposer des choses de toutes les époques, des choses rares, des pièces de musée, des choses plus communes mais qui ont su faire les beaux jours du milieu à différentes époques et ce, pour des bourses variées.

Cette vente s’adresse enfin, aux gens intéressés par les cultures populaires. Qui mieux que le jeu vidéo aujourd’hui représente notre société ? Il est pour moi le témoin à chaque génération d’une envie, d’un monde qui évolue, qui voit ses modes et ses spécificités changer, qui enfin, juge notre quotidien. En effet, sous le couvert d’un “jeu”, il en dit long sur l’actualité, les mœurs, les coutumes, qui plus est, de nombreux métiers sont touchés par son expansion, dont les game-designers et level-designers, qui sont des métiers directement issus de l’industrie du jeu.

Peux tu nous parler des plus belles pièces qui seront proposées lors de cette vente ?

J’ai réussi à convaincre entre autres un gros collectionneur de me confier à la vente des pièces exceptionnelles, qui n’ont pour ainsi dire jamais vu le jour, que ce soit sur internet ou dans d’autres lieux.

Je pourrais citer la première console de Magnavox, l’Odyssée version française importée, dont on ne connait aujourd’hui que 2 exemplaires. L’autre étant au même endroit. C’est la toute première console de jeux importée en France, entre 1974 et 1975 (bien avant le Videopac ou l’Atari 2600). C’est un modèle américain d’importation modifié à l’époque pour tourner sur des téléviseurs français, avec des documentations d’époque etc… Elle est bien complète. C’est vraiment une pièce exceptionnelle, pour son histoire.

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Photo Millon et Associés

Je pourrais citer également les exemplaires de Super Mario Bros et de Duck Hunt version USA qui ont été estampillés pour le procès entre Magnavox et Nintendo en 1985-1986, des pièces uniques ; ou bien encore certains Game & Watch strictement neufs d’époque ; des ordinateurs pour le jeu complets avec des jeux ; le blister rarissime de Goldeneye 007 (unique exemplaire connu en circulation et 100% authentique) ; ou encore un prototype du jeu Dino Force sur Hu Card contenant le jeu terminé à 100% mais dont le jeu n’est jamais sorti dans le commerce.

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Photo Millon et Associés

J‘aurai également à la vente des jeux neufs pour les amoureux des blisters, mais également des documents de presse rarissimes des années 70 à 90 ; des consoles de développement, ou jamais sorties (Apple Pippin, ChannelF française) ; quelques très belles pièces Atari 2600 dont le classeur en cuir officiel contenant 8 prototypes ou la valise ultra limitée ; des jeux homebrew numérotés dont le Vectmania #001 sur Vectrex ; ou encore la cartouche prototype “T-Card” pour Mattel Intellivision dont on ne connait que cet exemplaire…

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Photo Millon et Associés

Il s’agit de la première vente aux enchères dédiées aux jeux vidéo et à leur Histoire, comment a-t-elle été accueillie ?

L’accueil est mitigé dans le sens où c’est une première et du coup, une nouveauté. Beaucoup ne comprennent pas comment cela fonctionne et quel est le but de l’opération.

Il y a d’un côté les gens qui trouvent que l’idée est bonne, que le projet a un intérêt et qu’il faut s’y intéresser pour le marché en général, qui tend à se stabiliser à l’heure actuelle mais qui a besoin de ce genre d’initiative pour avancer.

Il y a ceux qui sont simplement contents de voir des pièces qu’ils ne verraient probablement jamais ailleurs (leurs propriétaires n’étant pas vendeurs).

Enfin les sceptiques qui ont surtout peur que l’initiative change l’horizon, leur quotidien, et fasse grimper de manière générale le marché.

Ces derniers ont bien évidemment tord dans le sens où personne n’est sans savoir que des millions de ventes bien plus médiatisées se passent tous les jours sur internet, médiatisées d’ailleurs par ces mêmes personnes qui en parlent sur les forums où de plus en plus les gens vont, mais également parce que la visibilité est cent fois supérieure à une vente réelle en salle.

Il faut bien garder en tête que le marché des ventes aux enchères ne va pas du tout à l’encontre des marchés annexes, bien au contraire, c’est un moyen différent de trouver des pièces. Il faut voir la chose comme un nouveau moyen de se procurer des objets de collection, et non comme un “ennemi”.

Si je prends l’exemple de la BD, qui parlera peut-être à d’autres personnes, le marché est installé en vente depuis des années déjà, faisant le bonheur des vendeurs, des collectionneurs, des auteurs et des salles de vente également. Personne ne s’en plaint, au contraire, les gens sont contents de trouver de nouvelles choses qu’ils ne verraient pas forcément ailleurs.

Et puis l’ambiance des salles des ventes, c’est autre chose, il faut le voir et y participer pour comprendre. C’est un peu comme les débuts des sites d’enchères en ligne il y a plus de 10 ans, ils étaient craints, puis les gens s’y sont faits et au final si ce genre de système n’existait pas, il y a beaucoup de pièces que je n’aurais pas dans ma collection, et pareil pour les autres collectionneurs à n’en pas douter.

Il faut considérer les salles de ventes comme étant un cran au-dessus. La personne qui prépare la vente a pour mission de trouver les plus belles pièces possibles et de les réunir en une seule et même vente pour proposer aux collectionneurs, amateurs et passionnés de belles choses. Elle négocie avec les collectionneurs en direct pour les convaincre de proposer de belles pièces à vendre ou à présenter. Je suis certain que tout ira très bien et que les gens comprendront tout ça. Après je comprends les craintes, mais il faut voir plus loin.

Quelles sont tes attentes concernant cet événement ?

Que les amateurs, passionnés, nostalgiques et collectionneurs se fassent plaisir.

Qu’ils voient ceci comme une avancée plutôt qu’un “ennemi”, et bien évidemment, que la vente fonctionne bien pour que l’on puisse en préparer d’autres avec toujours plus de beaux lots.

As-tu un message à adresser aux collectionneurs de jeux vidéo ?

Un seul : continuez à faire vivre votre passion.

Nous avons tous la même passion, et chacun la vit à son gré. Le jeu vidéo est notre Dixième Art, il n’y a plus à tergiverser là-dessus : le jeu vidéo s’est imprégné du cinéma, du dessin, de la musique, de l’écriture et met en scène de nombreux corps de métiers qui s’activent en commun pour proposer un résultat inédit et surtout interactif qui met en scène le joueur dans une histoire… Et en ça, le jeu vidéo est unique.

Les gens doivent le comprendre, et les médias, arrêter de ne parler du jeu vidéo que comme d’une chose négative, qui précipite les jeunes vers les abysses du Niflheim. La vente aux enchères, est un moyen comme un autre de mettre en avant son évolution, par le design des machines, le contenu des jeux, etc… C’est une sorte d’hymne à ce milieu et à la collection qui s’y rattache.

Etre réfractaire à ce genre d’initiative, c’est comme garder sa passion pour soi sans la partager. Sur forums, nous partageons notre savoir, notre collection, nos envies, nos recherches depuis déjà des années. Il n’y a aucune raison de ne pas la partager plus.

Pour avancer, c’est une option que je propose. J’espère vous voir nombreux assister à cette vente le 13 Juin prochain.

Tchuss !

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